COSMIC VISION /// VOX LOW à La Maroquinerie (Paris 20)

J’aimerais vous parler de transport en commun.

Non, rassurez-vous, pas du périple en trois actes métropolitains qui nous a menés ce soir du 14 mars à La Maroquinerie, décidément l’un des QG préférés de la team Croque and Roll Live ! Pourtant, si l’on songe à l’atmosphère souterraine, sombre et métallique du métro, aux méandres ténébreux et relativement désespérés que nous promet la brochure de voyage de la RATP, notre destination s’en approche.

Qu’à cela ne tienne, même aux tréfonds du monde, Nico entrevoit toujours la lumière au bout de la ligne 3 et une source d’inspiration palpiter au cœur d’un wagon bondé d’âmes vides.

Arrivés à notre port d’escale rue Boyer, nous repartons de plus belle avec Cosmic Neman, alias Cosmic vision, qui ouvre la première partie de cette soirée. Point de train subterrien cette fois, mais une impressionnante table de mixage au centre de la scène qui, tel un radeau de la méduse interstellaire, nous emmène au bout de la Terre et au-delà, dans une galaxie très lointaine.

Notre Nostromo, par ailleurs batteur du groupe Herman Dune, moitié du duo krautrock-psychédélique Zombie-Zombie et créateur de l’émission Les Témoins du Futur, se présente seul maître à bord, maîtrisant avec virtuosité les rythmes convulsifs, vibrants et bouclés, les effets de voix alien et les sons venus de l’espace. Mais pas que ! Quand les cloches de percussion résonnent avec les notes de synthé aux allures de cithare indienne, on plane dans un autre firmament électro-méditatif.

Qu’elles soient multiculturelles ou science-fictionnelles, les forces qui gravitent dans ce Dj set font décoller un public coutumier des univers plongés dans le noir.

Et c’est dans le noir que l’on va demeurer.

Après un voyage très haut dans les cieux cosmiques, rendez-vous dans les profondeurs.

Nico les connaît bien, les quatre parisiens de Vox Low. C’est la cinquième fois qu’il les croque ; le monsieur a bon goût. Quant à moi, c’est mon baptême en live. Un baptême mécréant et sauvage, à opiner du chef dans un état second, comme damnés de catacombes.

Le set est inauguré avec Breathless Tuesday, une montée en puissance hyper rythmée et malicieuse, qui lâche son refrain et ses guitares comme des cerbères au moment où l’on ne s’y attend pas. Puis vient Distance, l’intro transcendante de leur second album Keep on falling, paru en octobre 2023 chez Born Bad Records. Chacun de ces titres invoque des pulsations de la charismatique basse de Benoît Raymond et de batterie se fightant fièrement avec les guitares et synthé, quelques sons fantômes (ces entêtants cliquetis métalliques – I am a strange machine sometimes, tiens, tiens ?) et, toujours, la voix diablement calme et caverneuse de JeanChristophe Couderc.

Le chanteur balaye son regard glacial sur la foule (la salle affiche complet !), mais ne vous y trompez pas. Car, si leur image de rockers sombres et impénétrables leur défendrait presque de sourire, c’est avec une sincérité chaleureuse que les membres du groupe saluent leurs enfants présents dans la fosse ce soir-là, ainsi que leur public qu’ils sont heureux de retrouver – confession-bière d’avant concert. Au moment de s’adresser à nous tous, les yeux ne sont plus froids mais plein de lumière.

Le plaisir plaide coupable, se partage et se propage : dès les premières notes de Ready to spend, les spectateurs reprennent le psaume occulte et la chorégraphie éthérée (hochements de tête, toujours, le pouce venant frotter éloquemment le majeur et l’index) avec fanatisme.

Le concert se déploie comme une cérémonie, alternant les notes graves, les paroles d’un romantisme broyeur de noir (Keep on falling), les mélodies envoûtantes dévoreuses d’âmes (mention spéciale à We walk, mon gros coup de cœur de ce live) et les rythmes de new wave élégante et dansante.

Et c’est là où je voulais en venir avec mon blabla-navigo du début.

C’est en observant la salle ondulante que j’ai pensé au transport en commun, cette émotion vive, cette extase mystique et collective. On y est.

À l’instar de Léonard Cohen qui écrivait « There is a crack in everything, that’s how the light gets in”, Vox Low parvient à faire rayonner les ténèbres. Transition parfaite pour rendre hommage aux lumières de La Maroquinerie qui, cette nuit, semblaient presque être musiciennes elles-aussi, ainsi qu’à la lampe magique de Nico, qui a rassemblé de nouveaux fans curieux autour de ses croquis possédés – merci !

Il paraît que Vox Low fait de la musique de caisse, de la road-burner idéale pour aligner des kilomètres ; eh bien elle se révèle encore meilleure dans les transports en commun. Écoutez, vous tirerez peut-être un peu la gueule, comme tous les autres, mais avec infiniment plus de classe.

Texte : Hélène CHAULIEU /// Croquis : Nicolas BARBERON

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